Théologie du diaconat
Salvator
19 janvier 2017
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Sacramentalité du diaconat
En France, où ils sont plus de 2500, il n’y a finalement qu’assez peu d’ouvrages théologiques consacrés au diaconat permanent et, en tout cas, aucun encore jusqu’à ce jour sur le thème particulier de la spiritualité diaconale. Il faut donc être reconnaissant à Didier Rance de s’être attaqué au sujet, pas toujours facile ! Bientôt septuagénaire, il a été ordonné en 1985 et possède la double particularité d’être birituel (latin et byzantin) et d’avoir été longtemps salarié d’un mouvement d’Église, à savoir l’AED (Aide à l’Eglise en détresse), dont il fut le directeur pour la France de 1994 à 2005.
Dès son introduction, il pose un problème récurrent sur le diaconat permanent, à sa voir son utilité et il affirme de manière un peu provocante mais pas fausse du tout ceci : « Pour l’essentiel : il n’y a rien de tout ce que fait le diacre que, d’une part, les prêtres ne puissent faire et que, d’autre part, tous les baptisés ne doivent faire. » Un certain nombre de catholiques qui ne sont malheureusement pas aller au-delà de ce simple constat, et parmi eux des prêtres pleins de qualité par ailleurs, ne comprennent pas et ne peuvent pas comprendre l’intérêt pour l’Église catholique d’ordonner aujourd’hui des diacres permanents. C’est qu’il faut aller plus loin, comme le fait avec justesse notre auteur, qui, comme tous les autres diacres, réfléchit depuis longtemps à cette question existentielle pour eux, et il poursuit : « Alors, j’ai compris que le service du diacre n’est pas d’abord dans son utilité, mais dans sa sacramentalité (…) seule la foi discerne le diacre en tant que diacre. »
La spiritualité du diacre
Toute spiritualité particulière au diacre découle alors de cela, avec cette coloration propre à son ministère : « La spiritualité du service est, de manière spécifique, la spiritualité du diacre (…) Le leitmotiv de sa vie spirituelle sera donc le service », comme le dit un de des deux textes officiels romains parus en 1998 sur lesquels s’appuie beaucoup Didier Rance tout au long de son livre (le Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents de la Congrégation pour le clergé et les Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents de la Congrégation pour l’éducation catholique). Bref, dit Rance qui a décidément le sens de la formule bien trouvée, « le diacre n’est pas ordonné parce qu’il y a des tâches diaconales à faire (d’autres peuvent ou doivent les effectuer), mais il y a des tâches à faire d’une façon diaconale parce qu’il a été ordonné » !
Ensuite, de manière assez classique mais toujours pleine d’enseignement, notre auteur va parler de la spiritualité du diacre à travers la triple dimension de son ministère diaconal : le service de la charité, celui de la Parole et celui de l’autel.
Il ajoute un chapitre sobrement intitulé « Vie intérieure » mais où il développe de manière originale et forte un certain nombre de qualités qui doivent à son avis se trouver chez un diacre permanent : sobriété , disponibilité / serviabilité, acceptation de l’imprévu, sens des attentes, être un entreteneur de liens, douceur, enfin sens du sacrifice et renoncement à soi…
Vie de famille
Dans un ultime chapitre, il envisage un aspect souvent délicat de la vie et du ministère du diacre, à savoir l’articulation de son ministère avec sa vie de couple et de famille ; et, reconnaît-il clairement, « il ne faut pas cacher que le diaconat peut entraîner des tensions et des risques dans un couple et/ou une famille ». Pour autant, il vaut la peine d’essayer ! En ‘vieux’ diacre, Didier Rance peut se permettre de donner quelques conseils à ses confrères, peut-être plus jeunes dans le ministère ; entre autres, se basant sur une étude (il y en a peu !) réalisée aux États-Unis en 2005, il met, avec beaucoup de réalisme, « en garde contre la tentation du couple dont le mari est diacre d’apparaître comme un couple chrétien parfait –-aucun ne l’est » !
A la fin, il insiste sur le lien du diacre à l’Eglise : « Le diacre ne pourrait vivre fidèlement sa configuration au Christ sans partager son amour de l’Eglise, élément qui fait partie du noyau dur de la spiritualité diaconale ». En même temps, « le diacre fait bouger l’Eglise – à sa manière, modeste, sobre, mais réelle ». Voilà alors donc bien une utilité dans un diocèse ou une paroisse de compter en son sein un ou même plusieurs diacres permanents !
David Roure
La Croix
L’auteur
Historien de formation, Didier Rance, diacre depuis 1985, a passé dix ans comme volontaire dans le tiers monde, puis s’est mis en 1980 au service des chrétiens persécutés, menacés ou dans le besoin avec l’AED, dont il a été le directeur national pour la France. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, notamment sur les martyrs de notre temps. Son livre John Bradburne, le vagabond de Dieu (Salvator, 2012) a obtenu le Grand Prix catholique de littérature 2013.